Pourquoi ils s'attaquent à la TV
1. Comment est né Teum Teum ?
A l’époque nous réalisions un documentaire pour comprendre la « cité » à travers ses artistes. Nous avons rencontré tellement de talents et d’énergies que le constat fut simple : un mouvement culturel, plébiscité par toute un pan de la jeunesse, qui existe depuis plus de 20 ans et génère un véritable engouement populaire, n’a aucune représentativité télévisuelle. Ce foisonnement d’artistes draine pourtant un public large, s’exprime dans de nombreuses disciplines et a étendu son influence sur plusieurs générations. Il nous est donc apparu comme indispensable de développer un concept de magazine original, mêlant informations et divertissements, qui poursuive un double objectif : faire découvrir les richesses de cette culture au grand public et répondre au besoin de diversité et d’innovation dans le paysage audiovisuel français. C’est un premier contact avec France 5, sensible au phénomène des cultures urbaines, qui nous décide de mobiliser une équipe de professionnels pour produire, grâce à l’aimable participation de Jean Pierre Bacri (Big Up), un pilote de « Teum-teum »
2. Vous avez rencontré toutes les personnalités influentes dans le milieu du
PAF, et pourtant, rien ?
Après avoir prouvé nos compétences de producteurs, nous présentons quelques semaines plus tard notre émission au responsable magazine de France 5 qui nous averti du démarrage de « CULT » et précise qu’ils ne lanceront pas deux émissions dans la même thématique. Nous voulions alors confronter notre pilote à un maximum d’interlocuteurs pour relever toutes les critiques constructives nous permettant de perfectionner notre concept.
Nous en profitons d’ailleurs pour remercier toutes celles et ceux qui nous ont apporté leurs conseils, leurs soutiens et alimentent notre persévérance. Des boites de production comme, Act4, 17 juin, éléphant et Cie ainsi que des personnalités comme Ardisson ont crédibilisé notre projet et décèle dans notre magazine un fort potentiel de développement. Même lorsqu’on fait le bilan de nos entretiens auprès des chaînes on enregistre de nombreux avis favorable, la présidence de France Télévision par exemple a définit notre projet comme frais, innovant et en totale adéquation avec leur ligne éditoriale. Les contraintes émises par certains responsables sont instructives sur les réticences à programmer une telle émission : 1) Vous n’êtes personne ! 2) Cette culture est violente !3) trop risquée car s’adresse à une minorité ! La Petite Reine
Malgré cela, lorsqu’on démontre l’importance de cette culture et l’impact que pourrait générer un tel programme on nous objecte alors le fameux pas de case, pas de budget !
3. Quel est votre constat (une certaine discrimination ?)
Nous ne sommes pas partisans de la victimisation, le vrai défi était de produire un pilote de qualité en réunissant des personnes expérimentées avec peu de moyens. Notre intention était de répondre à un réel besoin de représentativité et d’authenticité. Convaincus du nécessaire virage éditorial que doit s’imposer le service public, nous remarquons que les volontés affichées ne sont pas suivies d’actes forts. Pour être innovante, une chaîne se doit de prendre des risques et par conséquent de donner sa chance à de jeunes producteurs.
En présentant un projet innovant, à fort potentiel, épaulé par de grosses structures et qui s’inscrit naturellement dans la diversité, nous trouvons des portes closes sans qu’aucunes explications constructives ne soient accordées. Un autre directeur de programmes, pourtant issu de la culture rock, nous a fait comprendre que le Hip Hop, pour lui, n’est pas une culture à part entière et que cela ne méritait pas d’y consacré un magazine hebdomadaire ! Contrairement aux pays anglo-saxon, ce n’est pas dans la mentalité de nos décideurs de miser sur ce genre de concept novateur et lorsqu’ils manquent d’audace c’est la créativité audiovisuelle qui est menacé.
4. Que pensez-vous de la diversité à la télé ?
Devenu un concept politique, la diversité est avant tout une richesse pour notre pays. La télévision est encore trop pâle et ne correspond dans la réalité aucunement à l’image de la société. Il ne suffit pas de mettre une ou deux têtes « bronzées » devant la caméra pour se donner bonne conscience et palier à une carence de plusieurs décennies. Les actions sont en tous cas invisible, cite moi un présentateur, un producteur, un journaliste, une émission à qui on n’a donné sa chance ? Nagui ? Kavannagh ? Pulvar ? Ils sont là depuis bien longtemps alors lorsqu’on rencontre le monsieur diversité de France TV on lui fait part notre stupéfaction quant à l’immobilisme du service public. Avec des moyens d’actions limités, il avoue ne rien pouvoir faire et que notre projet, dont l’enjeu est justement de palier à ce manque de représentativité, est trop précoce, en gros la télévision n’est pas encore prête à assumer la diversité. Récemment sur le plateau d’une émission de France 3, la responsable de magazine, qui avait eu connaissance du projet depuis plus d’un an et qui n’a jamais daigné un retour constructif, nous a dit cyniquement qu’elle ne voulait pas nous considérer et que cette culture n’aurait jamais sa place à la télévision !
5. Pas découragé, vous continuez à produire, à montrer votre pilote ?
Toujours motivé. Nous sommes persuadés que la télévision devra irrémédiablement tirer de son bilan les conclusions nécessaires afin qu’on parvienne à ne plus se poser de questions sur la diversité. Nous avons développé plusieurs autres concept : un road-movie décalé qui fait découvrir les pays membres de l’UE à travers sa population ; un dessin animé, sorte de conte de fées urbain ; une fiction sur l’univers de la voyoucratie et deux autres projets de magazines culturels et de sociétés.